Grande transat et petits regrets

Grande transat et petits regrets

Les deux hommes ont revécu, à plusieurs années d’intervalle, leurs arrivées dans la Baie de tous les Saints en solo à bord de leurs petits Mini 6,50, en 2001 pour Boris, en 2009 et en grand vainqueur pour Thomas. Cette transat, leur première à bord d’un Imoca doté de foïls, leur laisse cependant un goût mitigé, entre satisfaction d’une belle navigation maîtrisée « au feeling », en véritables hommes de mer, suite à la perte de leurs indications de vent, et les regrets de ne pas avoir véritablement défendu leur rang, quand au sortir de la première grosse dépression en Atlantique Nord, ils se trouvaient au contact des meilleurs, en capacité de défendre leurs chances d’un podium Bahianais. Thomas Ruyant quittera dans peu de temps la grande ville du nordeste Brésilien, pour retrouver sa fille récemment venue au monde, avec la certitude d’avoir franchi un nouveau pas dans sa carrière de marin. Le Dunkerquois a pris goût aux « foilers », et met tout en oeuvre pour disposer d’une telle machine en 2020 au départ du prochain Vendée Globe.

« Nous avons  réalisé une transat au feeling ». Thomas le répète à l’envie, la perte dès le troisième jour de course de leurs girouettes, ces instruments qui nourrissent leurs outils d’analyse embarquées sur la force et la direction du vent, a poussé Boris et Thomas dans le monde quelque peu dépassé de la navigation à l’instinct. « Nous avons beaucoup appris à naviguer ainsi, le nez dehors en permanence pour jauger de l’évolution des conditions météos et adapter notre voilure en conséquence. » explique Ruyant. « Sur la fin, c’était devenu instinctif et nous n’en nourrissions aucune frustration. »

Thomas réitère à Salvador la même performance qu’en 2015, 4ème en compagnie d’Adrien Hardy à bord du Souffle du Nord pour Le Projet Imagine sur le trajet Le Havre - Itajai. « L’entente avec Boris a été similaire à celle connue avec Adrien il y a deux ans » souffle Thomas. « Boris est un grand professionnel, et un homme de grande classe. Nous avons su partager et échanger lors des moments cruciaux. Notre envie de bien faire était la même. »  Cette cohésion a permis au duo Franco - Allemand de surmonter les grandes aspérités de cette transat ; « La perte dès le passage du premier front très actif en Atlantique nord de nos girouettes et de notre voile d’avant  nous fait manquer le bon wagon. Les leaders partent à grande vitesse tandis que nous tentons de trouver la bonne carburation, en aveugle et privés de la voile du temps. Mais nous nous ressaisissons vite et revenons dans le match avant le pot au noir, grâce à une belle vitesse. Le pot au noir a été terrible, plus encore pour nos autres concurrents. Alors que nous croyions en être sortis et que nous nous tapons dans les mains, une nouvelle ligne de grains est sortie de nulle part, et nous a imposé deux nouvelles journées infernales. Le podium était perdu, mais nous avons livré un beau baroud d‘honneur pour assurer cette quatrième place.

 

Naviguer en foïler est vraiment une expérience singulière. On passe de l’enfer lorsque la mer est croisée et courte, au bonheur absolu sur mer plate. Le dernier bord depuis l’équateur a ainsi été à la fois long et très jouissif, à toute vitesse dans l’alizé, avec ces premières senteurs qui annoncent la terre, les premiers pêcheurs brésiliens qui nous saluent, et cette harmonie parfaite entre Boris, moi-même et le bateau. J’ai beaucoup appris. Je suis prêt pour ce type de bateau, et à naviguer autour du monde. Je tiens ici à remercier Boris et le Yacht Club de Monaco de m'avoir permis d'embarquer dans cette belle aventure sportive. »

Thomas Ruyant aborde dès son arrivée à Bahia la dernière ligne droite d’un autre combat, à terre celui là, pour boucler les financements nécessaires à son ambition ultime, disputer le prochain Vendée Globe.

Denis van den Brink
Source TB Press