Un Chti dans l’Indien

Un Chti dans l’Indien

Le navigateur Dunkerquois Thomas Ruyant a hier soir, et pour la première fois dans sa jeune carrière, fait son entrée dans l’un des océans les plus redoutables et les plus redoutés de la planète, l’Océan Indien. Au terme de 23 jours, 6 heures et 25 minutes de course dans son Vendée Globe, le skipper du « Souffle du Nord pour le Projet Imagine » a franchi le Cap de Bonne Espérance, premier des trois grands marqueurs de ce tour du monde en solitaire et sans escale.

 

Il devançait alors de plus de 4 heures Jean Le Cam, (Finistère Mer Vent) qui, à la faveur d’une route plus sud et plus ventée revient depuis inexorablement sur le jeune Nordiste. La très belle négociation de l’Atlantique a en tous cas mis Thomas dans les meilleures dispositions morales, mais aussi physiques et techniques pour aborder le long contournement de l’Antarctique qui ne s’interrompra qu’avec l’arrivée sous le Cap Horn, dans encore un peu plus d’un mois.

Thomas fait désormais corps avec son bateau, capable, ainsi qu’il l’a montré lundi en effectuant sans coup férir une réparation sur un chariot de latte de grand voile défectueux, d’anticiper les éventuels soucis techniques, tout en tenant le rythme de ses deux compagnons de route immédiats, les chevronnés Le Cam et Dick (StMichel-Virbac). Les conditions de navigation en route vers les Kerguelen, prochaine terre habitée à quelques 2 000 milles de son étrave, s’annoncent musclées, dans le gris multiforme du ciel et de la mer. Un vrai morceau de bravoure auquel Thomas s’est préparé, et qu’il aborde en marin heureux de son sort et de sa place dans un Vendée Globe particulièrement relevé.

Thomas Ruyant, Le Souffle du Nord pour le Projet Imagine, huitième au dernier pointage, à la vacation hier après-midi :

De grandes « Premières » :

« Je vais passer mon premier cap de Bonne Espérance. Le premier des trois grands caps. C’est la fin d’une descente de l’Atlantique. On va rentrer dans les choses sérieuses du Vendée. C’est un cap mythique. Et surtout, je suis aussi dans les quarantièmes. C’est aussi une première pour moi. On entre dans les mers australes. La mer est assez grosse, pas très rangée. J’ai beaucoup d’oiseaux noirs dans mon sillage mais pas encore d’albatros. Ça ne saurait tarder. Ce qui change surtout, c’est la mer, qui est assez croisée. Ce n’est pas évident d’aller vite et d’avoir la bonne voile dans ces conditions-là. »

Une nuit agitée :

« Le vent est irrégulier. Je suis sous J2, pour me reposer un peu car j’ai eu une nuit agitée. Je suis parti à l’abatée avec mon petit gennaker, donc j’ai perdu un peu de temps et pas mal d’énergie. Ce n’est jamais drôle. Le vent est remonté un peu cette après-midi. Ça va toujours vite, avec mon J2 ça va me permettre de dormir sereinement. Déjà, c’est chouette de naviguer de concert avec d’autres bateaux dans ces coins-là. On est un petit groupe de 3 bateaux dans le même système météo. C’est plutôt sympa. J’ai Le Cam et Dick à côté, je crois qu’à eux deux ils ont fait 7 ou 8 Vendée Globe, donc c’est bien, ça me tire vers le haut, je n’ai pas envie de me laisser faire. Je regarde les classements, il y a un match dans le match. »

Trouver le rythme :

« J’arrive à bien dormir, à part cette nuit, j’arrive à bien trouver mon rythme. C’est plutôt bien. Je suis forme. Ce qui me manque le plus, ce sont les proches. Et pour le matériel, un bon lit. Mais ça va, j’ai tout ce qu’il faut à bord, de la bonne bouffe, de la musique. Je règle mon bateau, j’essaye d’aller vite. Je suis bien comme ça. J’ai eu un p’tit souci hier midi, c’est le seul depuis le début de la course. J’ai dû affaler la grand-voile pour changer deux chariots. C’est une manœuvre un peu physique. Ça prend deux heures. Affaler la grand-voile au portant ce n’est pas évident. Les embouts de lattes n’étaient plus reliés au mât. J’ai changé ça et après il a fallu re-hisser la grand-voile. »

Rendez-vous en mer inconnue :

« L’Indien a l’air assez actif. J’ai plusieurs trajectoires possibles. Ce qui est sûr c’est qu’on aura du vent. Il y aura des zones de transition. J’essaye de ne pas me faire piéger et de naviguer dans des conditions raisonnables. Le but c’est d’arriver. Deux fois par jour je me fais des sessions météo. Je passe un peu de temps à la table à carte, surtout que je dors devant. On a un bel échiquier pour s’amuser à ce niveau-là. La température ça va encore. Cet après-midi j’avais du soleil à l’intérieur du bateau. Là je suis en t-shirt et en collants. La nuit c’est bonnet et polaire car il commence à cailler. »

Ils en parlent :

Frédérique Bedos, fondatrice de l’ONG Projet Imagine : « Thomas porte dans nos voiles notre message d’espérance, c’est donc un magnifique clin d’œil qu’il soit arrivé jusqu’au cap de Bonne-Espérance ! L’espérance, c’est passer des caps ! Avec Le Souffle du Nord, Thomas s’est battu pour être au départ du Vendée Globe. Je crois maintenant qu’il a pris la pleine mesure de son aventure. C’est maintenant le moment de vérité avec les océans Indien et Pacifique à franchir. Je l’ai eu au téléphone dimanche. J’ai senti qu’il était en train de se réaliser et je lui ai rappelé, dans les moments difficiles, qu’il était soutenu par un large public, ses supporters, ses partenaires qui sont nombreux. Je lui ai rappelé également la nécessité de s’éclater en mer car tout peut s’arrêter rapidement. Nous sommes fiers de Thomas. Il incarne totalement notre ONG Le Projet Imagine. Il est humble, courageux, déterminé, simple. »

Tanguy Leglatin, coach de Thomas Ruyant, performer :

« J’ai envie de dire que c’est maintenant que le Vendée Globe de Thomas débute. Avec son arrivée dans l’océan Indien, il entre dans une mer inconnue pour lui et surtout dans la partie la plus difficile de la compétition. L’idée pour Thomas est de trouver le juste milieu entre performance et sécurité. Il a plutôt un jeu de voiles typé mer du Sud avec sa fameuse trinquette dont le nom de code est « la mule » et son petit gennaker. Nous allons voir ce que ça donne par rapport à Jean-Pierre Dick et Jean Le Cam qui ont, à mon avis, opté pour d’autres choix de voiles d’avant. Sur ces trois premières semaines de navigation, je trouve qu’il a bien géré son aventure sportive même s’il n’a pas très bien négocié le pot-au-noir à mon goût. J’ai, peut être, une petite frustration qu’il ne soit avec Yann Eliès mais, en somme, je le trouve à sa place au niveau du classement provisoire. »

Christian Taverne-Grasset, ancien journaliste « voile » à la Voix du Nord :

« Je suis impressionné par Thomas. Nous l’attendions dans la première moitié du classement. Il est dans le top 10 ! Il tient la dragée haute à de sacrés marins comme Jean Le Cam, triple vainqueur de la Solitaire du Figaro, Jean-Pierre Dick, engagé dans son quatrième Vendée Globe et qui bénéficie d’un voilier « dernière génération » à foils, Kito de Pavant, l’ancien propriétaire de son voilier dénommé à l’époque « Groupe Bel ». Il a mis aussi une belle distance avec le groupe de Louis Burton qui navigue, comme Thomas, sur des monocoques de 2007–2008. Thomas est nouveau en Imoca. Il ne navigue sur ces voiliers que depuis un an et demi, il est encore pour moi en phase d’apprentissage ce qui met encore plus en exergue son actuelle performance, sa capacité à voir juste météorologiquement parlant et dans sa façon de mener sa machine. »

Sylvie Lepoutre, chargée de la communication du Souffle du Nord pour Le Projet Imagine :

« Le Souffle du Nord pour Le Projet Imagine est une aventure de fou à tous les niveaux avec des valeurs solidaires véhiculées, un défi sportif hors normes et la fédération de forces vives nordistes de plus en plus nombreuses. Nous dépensons une énergie importante pour mettre tout ça en musique depuis maintenant début 2015. Avec l’arrivée de Thomas dans l’océan Indien, je pense que sportivement nous passons à une étape clé ! Le Vendée Globe du Souffle du Nord va entrer dans une nouvelle dimension. Ce qui va arriver à Thomas dépasse les terriens. Forcément, nous sommes un peu stressés à sa place. Jusque maintenant, il était dans des océans connus, il entre dans l’inconnu ! Demain, jeudi, 500 représentants mécènes se réunissent au Conseil régional des Hauts-de-France. Ce sera un moment fort au siège de notre région ! Ce sera un temps pour parler des entreprises-mécènes qui permettent et soutiennent l'aventure, des associations engagées sur notre territoire et que nous mettons en avant dans notre web série solidaire et puis l’occasion d'encourager Thomas, il sera d’ailleurs en vacation avec nous ! »

Photo Pirerre Bouras
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